Luc BOLTANSKI et Eve CHIAPELLO |
Enorme travail que cet ouvrage sociologique de plus de huit cents pages, comportant quatre appendices, deux index, une bibliographie de plus de six cents entrées, dont les plus récentes. Bref, c'est un modèle de travail universitaire, peut-être écrit un peu vite, et le style s'en ressent. Mais le lecteur en a pour son argent. De quoi s'agit-il ? En trente ans, la société capitaliste est passée d'une régulation fondée sur le civisme et la productivité du travail, à une régulation tout autre fondée sur la productivité des systèmes et des réseaux. L'économiste aurait sans doute des nuances à mettre sur certaines évocations aux confins de la gestion et de la politique. Par ailleurs, il insisterait davantage sur les nouveaux discours qui tentent de justifier la logique financière du capitalisme d'aujourd'hui : discours portant sur la solidarité face aux risques économiques. Mais il souscrirait pleinement à maintes analyses présentées dans cet ouvrage, qui retrouvent dans les discours managériaux les reflets des contraintes et des opportunités venues de la mondialisation. Dans ce contexte, l'esprit du capitalisme désigne la dialectique triphasée qui permet à l'accumulation du capital de neutraliser les critiques (esthétiques aussi bien que sociales) au prix d'un déplacement qui nourrit la dynamique du système. Ici, pour le plus grand plaisir intellectuel du lecteur, Luc Boltanski et Eve Chiapello campent aussi loin des platitudes idéalistes de Max Weber que des vulgates marxistes. Yann Galena |