Richard SENNETT |
La flexibilité du travail est en train de changer jusqu'à la nature même de celui-ci, semant sur son passage certaines formes d'inquiétude ou d'angoisse habitées parfois par la nostalgie d'autres temps. Son impact est fort, parce qu'elle atteint jusqu'au caractère de la personne, en modifiant valeurs et manières de les faire vivre, affirme l'auteur, sociologue réputé, professeur à la London School of Economics. Comment décider, en effet, de ce qui a valeur durable, alors que prédominent les impératifs d'un court terme proche de l'immédiat ? Comment cultiver des loyautés et un sens de l'engagement, alors que nos institutions sont constamment disloquées ou refaçonnées ? Afin d'esquisser une réponse à ces interrogations, l'auteur observe l'évolution de l'organisation du travail, se situant dans une perspective historique, depuis Adam Smith ou Diderot, en passant par Marx, pour en arriver aux impératifs des maîtres du management moderne. Et de s'interroger, en sociologue et historien, sur les effets de la modernisation du travail. Lorsqu'il parle des tranches de vie, il révèle combien la trajectoire socio-professionnelle des individus est devenue illisible. L'exigence de prise de risques, associée à une flexibilité multiforme, atteint l'éthique du travail et fait de chaque travailleur un être en sursis. Les descriptions s'accompagnent, à chaque étape, de mises en garde : alors que toute réorganisation s'enracine dans un souci de mieux faire, nous sommes invités à constater la croissance des inégalités, repérable ici grâce à des tableaux statistiques ; nous constatons la précarité dans laquelle chacun, de l'employé au cadre supérieur, est plongé. Ce livre tonique invite au réalisme et à une réflexion sur l'impact, à long terme, des décisions d'aujourd'hui sur nos valeurs ; et, par là, sur les façons de vivre, de travailler, sur l'être de l'homme et de la femme entrant dans le XXIe siècle. Henri Madelin |
Juillet-Août 2000 : Revue des Livres - Choix de Disque - Sommaire du numéro
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