Eric VOEGELIN |
Il ne faut pas du tout se laisser tromper par le titre ; si Voegelin se lance dans une incisive critique d'une science du politique trop positiviste à ses yeux, l'essentiel de ce livre déjà ancien (publié d'abord en 1952, puis repris en 1987) est ailleurs. Dans le cadre d'une réflexion sur le rapport entre représentation (politique) et vérité (de l'homme), l'auteur veut démontrer que la modernité politique est profondément marquée par le gnosticisme et l'eschatologie trinitaire de Joachim de Flore. Certes, des évolutions et des transformations profondes de la pensée première ont eu lieu, mais une même inspiration sous des formes inédites est toujours à l'oeuvre en maints mouvements politiques récents. Plus profondément encore, Voegelin cherche à montrer à quel point le christianisme, avec sa distinction du spirituel et du temporel, est à la racine d'une « dé-divinisation » du politique, elle-même peu supportable et qui, à ce titre, expliquerait les tentatives gnostiques de « re-divinisation ». Ces thèses ont été fortement mises en cause, notamment parce qu'elles font du christianisme « le moment de différenciation maximale » dans l'histoire de l'humanité, par le destin que cette religion assigne à l'homme. Il n'en reste pas moins qu'elles constituent un heureux stimulant pour la pensée, en obligeant à prendre en compte certains aspects de la pensée politique occidentale trop souvent minimisés. Paul Valadier |
Juillet-Août 2000 : Revue des Livres - Choix de Disque - Sommaire du numéro
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