Alban John KRAILSHEIMER |
Trois cents ans après la mort du réformateur de la Trappe, le public français peut enfin se faire une image plus précise de cette figure controversée du Grand Siècle dévot une image moins fantaisiste, en tout cas, que celles qu'avaient accréditées Saint-Simon, Chateaubriand ou Bremond. Ce portrait se fonde notamment sur une analyse serrée de ce qui reste de son immense correspondance, qui avait fait l'objet d'une édition exhaustive en 1993, aux Editions du Cerf également, par A. J. Krailsheimer. Une première partie, d'une centaine de pages, évoque avec sobriété l'homme et sa carrière. Le reste de l'ouvrage étudie, pièces en main, l'influence qu'exerça Rancé sur la vie religieuse en France, au sein de son ordre notamment, ainsi que ses relations avec le clergé, les grands de ce monde et sa famille. Chemin faisant, nombre de clichés s'effondrent. Le projet réformateur de l'Abbé, son souci de retrouver les formes originelles de la vie monastique, sa mystique du cloître comme tombeau, son dégoût du « monde » et des compromis en matière religieuse, son penchant avoué pour « les maximes étroites », sa fidélité à nombre de personnalités jansénistes, en même temps que sa distance par rapport au jansénisme comme dissidence, apparaissent dans leur complexité et leur netteté à la fois. Correspondant intransigeant, voire insupportable, il savait être, en présence des êtres, humble et conciliant. Son dévouement à sa communauté, en tout cas, fut sans faille. Cette sollicitude, sans doute plus éclairée qu'on ne l'a dit, explique peut-être que son projet lui ait si largement survécu. A la veille de la Révolution, la Trappe était autrement florissante que l'ensemble des monastères français. Dominique Salin |
Juin 2000 : Revue des Livres - Choix de Disque - Sommaire du numéro
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