Roland RECHT |
Dévorer ces pages, c'est enfin saisir la chance de ne plus réduire les cathédrales gothiques à des éléments d'architecture ou à une symbolique néo-platonicienne de la lumière. En plongeant son lecteur dans un cadre historique et théologique plus large, l'auteur donne à comprendre les déplacements culturels et techniques qui concourent à façonner des bâtiments inédits. Par la définition de la Présence Réelle en 1215, par le geste de l'élévation et le développement de nouveaux reliquaires, l'Eglise et la société entrent dans une nouvelle culture visuelle, soutenue en cela par l'influence des franciscains, tant dans l'expression de leur dévotion que dans leur participation au développement des travaux en science optique. Pour ce nouveau « croire » se développe un « voir » qui ne relève pas seulement de l'ogive, mais d'une multiplicité d'arts visuels : retables peints et sculptés soulignent le travail de la perspective, vitraux colorés fondent dans leur couleur les différents plans de leurs représentations, enduits et peintures soulignent l'écrin de pierre, etc. Ainsi, non content de retracer en un premier chapitre l'histoire des interprétations de l'art gothique, Roland Recht déploie-t-il avec beaucoup de suggestions les gestes, les façons de travailler, les organisations sociales, les choix esthétiques qui vont essaimer en plusieurs foyers d'innovation. Saint Remi de Reims, la cathédrale de Sens, la Sainte Chapelle tissent dans ces pages un réseau où l'invention sait se faire citation, emprunt et transmission. Du dessin d'architecture au Crucifix articulé, rien n'échappe à cet ouvrage, où l'érudition universitaire sait instruire et illuminer le simple amateur d'art. Pascal Sevez |
Juin 2000 : Revue des Livres - Choix de Disque - Sommaire du numéro
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