Jan LUKASIEWICZ |
Livre d'historien de la philosophie, de logicien et, ce qui ne gâche rien, de philosophe, l'ouvrage ici traduit aura attendu quatre-vingt-dix ans avant d'être accessible aux lecteurs francophones ! L'école polonaise de logique, qui donnera des auteurs tels que Tarski, Kotarbinski, Adjukiewiecz, Lesniewski, est l'une des plus créatrices dans un domaine où les philosophes de langue anglo-saxonne auront le privilège. C'est dans sa Métaphysique qu'Aristote argumente contre les détracteurs (les sophistes) du principe de contradiction et qu'il se heurte au problème de sa démonstration. Comment, en effet, démontrer, sans faire une pétition de principe, ce qui est à la base de toute démonstration ? Il ne reste qu'à essayer de réfuter ceux qui le refusent. Se situant sur le terrain sophistique de la réfutation, Aristote en vient à reconnaître que, derrière tout énoncé, il y a une intention de signifier, et que vouloir dire quelque chose oblige celui qui parle pour se faire entendre à donner sens aux mots qu'il emploie. Discutant pas à pas le texte d'Aristote, Lukasiewicz en vient à la conclusion, finalement pas très éloignée d'Aristote lui-même, que le principe de contradiction, s'il ne peut être fondé logiquement, ontologiquement ou psychologiquement (selon les trois formulations qu'il a distinguées avec rigueur), il n'en demeure pas moins qu'il garde une valeur éthique fondamentale, « dans la mesure où il constitue l'unique arme contre l'erreur et le mensonge. Aussi, nous sommes obligés de l'admettre ». Qu'un livre de logicien, questionnant un problème historiquement important, débouche sur des perspectives où c'est l'être même de l'homme s'adressant à autrui qui apparaît, devrait, pour le moins, requérir toute l'attention des philosophes. Francis Wybrands |
Avril 2000 : Revue des Livres - Choix de Disque - Sommaire du numéro
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