André BRETON
OEuvres complètes III
Edition de Marguerite Bonnet, publiée sous la direction d'Etienne-Alain Hubert. Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1999, 1 568 pages, 470 F.

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Peut-être que l'intérêt paradoxal de ce troisième tome vient surtout de son caractère historique : je veux dire qu'il dessine le parcours de celui qu'on nommait « le pape du surréalisme », quittant la France pour les États-Unis, au sommet de sa renommée (en septembre 1940), et revenant après la guerre pour découvrir que le surréalisme était mort, emporté par les nouvelles modes (Sartre l'enterre avec mépris dans le premier numéro des Temps Modernes), alors qu'en vérité le surréalisme est partout, sans qu'on s'en rende compte : il est descendu dans la rue, imprègne l'air autour de nous, les affiches, les slogans, la publicité, le pire mêlé au meilleur, sous tous les déguisements. Il y a des excommunications qui se sont perdues ! Les dernières batailles du vieil agitateur sont souvent savoureuses, remises en place des littérateurs de bas étage, articles et entretiens radiophoniques fustigeant ce que son disciple Julien Gracq appelait la littérature à l'estomac ! Ferveur aussi et vibrante fidélité, dans ses célébrations des génies du passé dont il se sent le compagnon. Ce qu'il reproche le plus à son époque (que dirait-il aujourd'hui !), c'est la vulgarité de ceux qu'il appelait les Grandes Têtes Molles. Il ne raffolait pas de Mallarmé, à cause de ses « ronds de jambes », mais il disait que les Mardis de la rue de Rome avaient de la tenue. C'était un seigneur du verbe, un semeur d'images. Lisez, dans ce volume, Arcane 17, et reconnaissez la hauteur du souffle. « J'enchante et je multiplie. J'obéis à la fraîcheur de l'eau, capable dans une seule goutte de dresser son palais de miroirs, et je vais à la terre qui m'aime, à la terre qui sans moi ne pourrait remplir les promesses de la graine. » S'il débarque à La Martinique, il solennise immédiatement les orages : « Et les grandes orgues, c'est la pluie comme elle tombe ici et se parfume. » Il allonge le bras et, du bout des doigts, touche les frontières de l'univers : « Une étoile, rien qu'une étoile perdue dans la fourrure de la nuit. » Ainsi, sans effort, il nous attire vers les sommets.

Jean Mambrino

Mars 2000 : Revue des Livres - Choix de Disque - Sommaire du numéro

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