Gosta Esping-ANDERSEN |
L'Etat-providence analysé sous l'angle de l'emploi, voici l'une des approches capables de réconcilier économistes et sociologues, keynésiens et marxistes. Gosta Esping-Andersen repère trois idéals-types. Le premier type d'Etat-providence est qualifié de socialiste, à la manière suédoise ; le deuxième est réputé socio-chrétien, à l'image de l'Allemagne ; le troisième libéral, comme aux Etats-Unis. Chacun de ces modèles a ses finalités. Pour le socialiste, l'indépendance individuelle, qui l'auteur ne le souligne guère laisse l'individu seul face aux appareils d'Etat ; pour le socio-chrétien, « le principe conservateur, traditionnel et catholique de subsidiarité » (p. 268), associé, non sans contradiction, au principe d'autorité ; pour le libéral, l'autonomie dans le cadre du marché, qui laisse la possibilité de trajectoires individuelles et sociales progressistes. Gosta Esping-Andersen reste assez lucide sur les contradictions de chacun de ces modèles, et c'est là le plus grand mérite de son ouvrage. En Suède, émerge une opposition entre les employés du secteur productif privé, massivement masculins, et ceux du secteur social public, largement féminins. En Allemagne, les gains élevés des salariés bénéficiant d'un travail se nourrissent d'une très forte productivité du secteur privé, et barrent l'entrée sur le marché du travail à ceux qui sont restés au dehors. Aux Etats-Unis, l'opposition entre races ; l'auteur y constate une sensible amélioration de la situation des groupes « blacks » et s'attend à une marginalisation des « latinos ». Au total, voici un livre stimulant et bien documenté ce qui fait regretter le style abominable, source de confusions et d'erreurs. Un exemple, parmi tant d'autres : « Ce genre de raisonnement donne forme à la perspective appelée "logique de l'industrialisation" selon laquelle l'Etat-providence apparaît alors que l'économie industrielle moderne détruit les institutions sociales traditionnelles » (p. 26). Il a fallu au traducteur pas moins de dix collaborateurs pour arriver à un tel galimatias. Quel gâchis ! Etienne Perrot |
Février 2000 : Revue des Livres - Choix de Disque - Sommaire du numéro
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