Michael WALZER |
Cette traduction tardive d'un livre de 1977 garde tout son intérêt, d'autant plus, peut-être, qu'il est très largement admis chez nous que le concept de « juste guerre » n'est plus pertinent dans le contexte des conflits actuels. Walzer tient au contraire que, bien interprétée, la théorie de la juste guerre permet de poser des conditions essentielles et rigoureuses pour limiter les montées aux extrêmes et maintenir à l'intérieur des guerres les principes traditionnels et reconnus par les Conventions internationales du jus in bello. De son propre aveu, il admet que sa méthode apparente sa démarche à la casuistique, comme d'ailleurs le sous-titre le donne à entendre. La multiplication des cas, tirés souvent de l'histoire récente, permet d'asseoir le jugement sur la complexité et sur la singularité des situations, mais surtout autorise à montrer en quoi la théorie, articulée d'ailleurs sur le respect des droits de l'homme et les distinctions classiques entre populations civile et militaire, permet de montrer en quoi une guerre peut être dite juste. Proche par conséquent aussi d'une morale de la proportionnalité, Walzer en critique certains aspects, mais au total il semble bien en avaliser les conclusions et les pratiques courantes. Comme toujours en casuistique, le lecteur est impressionné par les analyses concrètes, en même temps qu'il reste sur sa faim concernant les grands principes qui instruisent le jugement moral. On s'étonne aussi que la référence à Clausewitz, qui donna tant de principes fondamentaux pour un jugement sur la guerre, soit si peu évoquée ; mais on voit bien à quel point cette pensée morale s'enracine dans une tradition qui se méfie des approches théoriques et abstraites, pour privilégier les cas. Si tout n'est pas également convaincant, Walzer provoque le lecteur à prendre lui-même parti autrement, et l'oblige à dire pourquoi. Paul Valadier |
Janvier 2000 : Revue des Livres - Choix de Disque - Sommaire du numéro
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