Charles FRAZIER |
« Un chef-d'oeuvre à la démesure des paysages américains », écrit le critique du New York Times Book Review. Jamais éloge ne fut mieux mérité. A la fin de la guerre de Sécession, Inman, sudiste blessé à la bataille de Petersburg, déserte pour regagner à pied sa région natale, la Caroline du Nord, où l'attend Ada, la jeune femme qu'il aime. Tandis qu'il traverse les paysages dévastés des Etats sudistes vaincus, arrachant chacun de ses pas à l'horreur et à la mort, Ada, restée seule après la mort de son père, essaie tant bien que mal, au milieu de difficultés inouïes, de survivre à Cold Mountain, le petit village de montagne où est situé son domaine. Magnifique est cette marche et cette attente, double cheminement intérieur, à la fois quête initiatique et apprentissage d'un amour absolu, inscrite dans une durée, une histoire réaliste et précise, un territoire grandiose marqué sur les cartes, qui rejoint sans effort les plus vieilles légendes. Les souffrances des deux jeunes amoureux passent toute mesure, le pire est souvent rencontré, mais une grâce mystérieuse leur est donnée. « Nos esprits ne sont pas faits pour retenir les détails de la douleur comme ils retiennent ceux de la volupté, c'est un don que nous offre Dieu, un signe de son amour pour nous. » Tout leur est signe en effet, leur fait signe, les élève, les attire, au sein même de leur chemin de croix. Les traits de la splendeur qui les entoure, remarque le père de Ada, « n'étaient que les preuves d'un autre monde, d'une vie plus profonde, d'une existence vers laquelle devraient tendre nos désirs ». Une Présence, plus vaste et majestueuse que les paysages où ils se meuvent et en même temps infiniment intime, les enveloppe, les pénètre, les soutient. La solitude n'empêche pas la communion, et celle-ci peut s'épanouir dans la solitude même. C'est ce que le père de Ada révèle à sa fille avant de mourir. « Au fond de leur coeur, les gens sentaient qu'à l'aube des temps Dieu était partout tout le temps ; ce sentiment de solitude était ce qui remplissait le vide laissé par Dieu, tandis qu'il s'éloignait encore un peu plus de nous. » La paix rayonnante de la jeune femme, après les retrouvailles et sa terrible épreuve ultime, démontre la vérité de son parcours et illumine un cheminement qui n'a pas de fin. Jean Mambrino |
Novembre 1999 : Revue des Livres - Choix de Disque - Sommaire du numéro
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